Madame la Ministre,
Nous avons récemment pu voir une vidéo dans laquelle deux policières de la zone de police Bruxelles-Midi se filment en patrouille tandis qu’elle tiennent des propos ouvertement racistes et homophobes.
Suite à ces faits qui remontent en réalité à octobre 2018, le Collège de police avait imposé aux deux agents une suspension immédiate et une sanction composée d’une procédure disciplinaire et d’un procès-verbal judiciaire. La sanction disciplinaire consistait notamment en une retenue de salaire.
Si l’une des policières s’est soumise aux sanctions, l’autre en revanche à introduit un recours devant le Conseil d’État. Elle a d’ailleurs eu gain de cause car la proposition de sanction a été notifiée trois jours plus tard que le délai prévu par la procédure disciplinaire. Ainsi, l’agent a pu récupérer son salaire.
Au bout du compte, les deux policières travaillent toujours dans la police. L’une n’est plus en contact avec les citoyens et l’autre a choisi d’opérer dans une autre zone de police bruxelloise.
Madame la Ministre, on ne peut tolérer que de tels propos nauséabonds soient impunis et qu’ils jettent le discrédit sur toute la fonction. Cela ne fait que dégrader encore davantage le lien de confiance déjà affaiblis entre les citoyens et la police. Je vous demande d’appliquer une tolérance 0 envers les agents qui tiennent des propos ou ont des comportements racistes, sexistes ou homophobes. Nos forces de l’ordre doivent impérativement être irréprochables en la matière.
Comme le préconise le chef de corps de la zone Midi, il faudrait d’ailleurs pouvoir sanctionner lourdement voire licencier des agents ayant commis de telles fautes professionnelles. En outre, toujours de l’aveu de ce chef de corps, des policiers échappent trop souvent aux sanctions qui devraient pourtant s’imposer, notamment à cause de délai non-respectés.
Madame la Ministre, mes questions sont dès lors les suivantes :
– Qu’entendez-vous faire, en agissant notamment auprès des zones de police, pour ne plus qu’existe cette impunité ?
– Quelles mesures entendez-vous prendre pour vous assurer que les sanctions disciplinaires les plus exemplaires soient prises contre de tels comportement et dans les délais requis ?
– En cas de fautes graves, comme dans cette affaire, il doit être possible d’écarter directement de sa fonction un policier. Comptez-vous travailler en ce sens ?
– Dans tous les cas, il aurait fallu que les policières soient au moins mises à l’écart durant le temps de l’enquête, comment s’assurer que cette mesure soit effective pour d’autres dossiers ?
D’avance je vous remercie pour vos réponses,
Julie Chanson
Réponse de la Ministre Verlinden du 03/02/2021
Les policiers peuvent introduire un recours et appeler de décisions judiciaires et disciplinaires. Dans le cadre de la loi disciplinaire, on peut introduire une requête en reconsidération auprès du conseil de discipline et un recours devant le Conseil d’État. La procédure prévoit des délais stricts entraînant la nullité en cas de dépassement. Les autorités disciplinaires diffèrent selon le grade des policiers et la peine envisagée.
Ainsi, après notification d’une proposition de sanction lourde par l’autorité disciplinaire supérieure, le policier a trente jours pour établir sa défense et demander un supplément d’enquêtes à décharge. L’autorité disciplinaire doit statuer et notifier la proposition de sanction dans la quinzaine. Le policier dispose alors de dix jours pour introduire une requête en reconsidération auprès du conseil de discipline qui émet son avis. Suite à cela, l’autorité disciplinaire a trente jours pour notifier une décision conforme à l’avis du conseil de discipline. Si elle ne suit pas ce dernier, elle dispose d’un délai raisonnable pour le notifier au policier qui dispose de dix jours pour introduire un dernier mémoire. L’autorité disciplinaire a trente jours pour notifier la décision finale à l’intéressé.
À ce moment-là, la sanction est définitive. Un agent peut toujours introduire une demande en annulation auprès du Conseil d’État. Parfois, il faut également solliciter l’avis du procureur du Roi. C’est le cas lorsque les faits sont directement liés à l’exécution d’une mission de police judiciaire. Toutefois, il n’est pas toujours évident de distinguer les missions judiciaires des missions non judiciaires. En cas de doute, on sollicitera donc l’avis du procureur du Roi à condition que cette demande ne constitue pas un motif de report déguisé de la sanction.
Les faits remontent à octobre 2018. L’autorité disciplinaire et le conseil de police de la zone étant saisis, je ne peux me prononcer sur le fond ni sur des dossiers individuels mais, en tant que ministre de l’Intérieur, je ne puis accepter de telles images.
L’intégrité est la base du travail de la police. Avec 48000 policiers, on ne peut éviter des incidents racistes. Mais chaque incident raciste est de trop et dégrade l’image de la police. Il faut à tout prix les éviter, pour assurer le respect des policiers qui ne sont pas racistes.
Avec la direction de la police, je lutterai fermement contre le racisme dans ce corps et plaide pour une tolérance zéro. Le nouveau chef de la zone Bruxelles-Midi est un partisan dans cette lutte. J’ai prévu une visite prochaine dans la zone.
Une réforme de la loi disciplinaire devrait fluidifier le traitement des affaires et contribuer à limiter les annulations de décisions. L’examen des délais sera envisagé mais il convient aussi de respecter les droits de la défense.
Le ministre de l’époque, Jan Jambon, avait proposé une modification de la loi disciplinaire. Les syndicats de la police ayant été associés très tardivement aux discussions, ils ont quitté la table des négociations et les travaux ont été arrêtés durant la période où le gouvernement était en affaires courantes.
La révision de la loi disciplinaire s’inscrit dans le cadre du débat plus large sur l’attractivité de la police. Les discussions avec les syndicats à ce sujet débuteront prochainement.
La lutte contre le racisme et les discriminations est un objectif transversal de la formation de base des policiers. Elle doit leur permettre d’identifier les éléments constitutifs d’infractions aux lois antiracisme et antidiscrimination.
Unia nous accompagne dans la formation des policiers pour la détection des délits de haine. Les lois antiracisme et anti-discrimination sont aussi rappelées. Le rôle du policier de référence est de sensibiliser son service.
Le Code de déontologie des services de police condamne le racisme et les comportements discriminatoires. Je demande à la hiérarchie de prendre systématiquement des mesures disciplinaires contre les actes racistes.
La 10e édition du Moniteur de sécurité mesurera notamment la satisfaction du citoyen envers les services de police. Les résultats sont attendus début 2022. Seront aussi évalués le chiffre noir, la victimisation du citoyen vis-à-vis de certains faits criminels et le sentiment d’insécurité. Ma note de politique promeut la proximité de la police et un comportement exemplaire où tous les citoyens sont traités avec égalité.
La police doit refléter la population. Le recrutement s’adresse à tous, quelles que soient la couleur de la peau, l’origine, le sexe, l’orientation sexuelle… La sélection ne retient que les informations pertinentes, les documents de candidature sont standardisés, les examens anonymisés et un feedback sur les résultats est possible.
La formation de base pour les inspecteurs et commissaires aborde la diversité et la lutte contre la discrimination. Le plan fédéral de formation 2020-2021 reprend cette thématique comme prioritaire. Il communique à toutes les écoles de police les matières devant faire l’objet d’une intervention particulière.
Ce type de comportements est totalement inacceptable et porte atteinte à la réputation de l’ensemble du corps de police.
Nous devons absolument poursuivre nos efforts en la matière. Nous agissons sur le plan disciplinaire, mais cela ne relève pas toujours de ma compétence. C’est pourquoi il existe une concertation avec la police intégrée. Nous accordons de plus en plus d’importance à ces aspects dans la formation continue dont les agents et inspecteurs de police bénéficient tout au long de leur carrière.