Madame la Ministre,
Ce samedi 13 mars, Liège a été le théâtre de violentes émeutes. En effet, 200 à 300 casseurs se sont glissés parmi les personnes venues pacifiquement pour la manifestation « Black Lives Matter ».
Grâce aux caméras de surveillance, ces casseurs ont pu être identifiés. Ce sont majoritairement des jeunes venus de l’extérieur, c’est-à-dire de la périphérie liégeoise et de Bruxelles. Certains sont venus en train et sont descendus aux Guillemins et à Liège-Saint-Lambert. Ils ont procédé par salves pour mener leurs exactions contre les policiers et contre les commerces, ils étaient donc bien organisés.
Plusieurs magasins ont ainsi été vandalisés tandis que neuf policiers ont dû être hospitalisés. Parmi ces blessés, figure un motard de la police qui a été roué de coups par les émeutiers alors qu’il se trouvait sur sa moto, on en a vu des images terrifiantes.
Madame la Ministre, je me pose donc les questions suivantes :
– Y a-t-il eu un problème de gestion de ces émeutes ?
– L’analyse des risques du bourgmestre et du chef de corps était-elle suffisamment poussée ?
– Le chef de corps a indiqué combien il serait bénéfique de revoir les techniques de surveillance des réseaux sociaux de la police en prévision à ce genre d’incidents, comptez-vous donner des consignes en ce sens ?
D’avance je vous remercie pour vos réponses,
Julie Chanson
Réponse de la Ministre Verlinden du 17/03/2021
Il peut y avoir du respect mais à condition que les deux camps en fassent preuve. Je suis autant attristée par les déchaînements de violence à Liège que par les faits montrés en début de semaine dans le reportage de Pano. Il n’y a aucune solution prête à l’emploi. Mais je ne suis pas découragée. Nous devons réfléchir tous ensemble aux solutions qui permettraient d’empêcher de tels incidents de se produire. Nous devons tabler sur une approche pluridimensionnelle.
Plusieurs villes travaillent à améliorer les relations entre police et jeunes. La formation permanente des policiers intégrant la gestion des foules, l’aspect psychosocial, les réseaux sociaux et l’intégrité est à l’étude.
Ces dernières années, de nouvelles façons de manifester et de nouveaux modes d’organisation ont fait leur apparition. La police doit en tenir compte. Si nous comprenons mieux pourquoi le travail de la police est perturbé, nous pourrons intervenir plus efficacement. Pour cela, nous devons mener des recherches scientifiques et échanger de bonnes pratiques. Reconquérir le respect des deux côtés est aussi une question d’attitude. Les manifestants doivent se rendre compte que la police fait son job et la police doit comprendre que les citoyens veulent exercer verbalement leurs droits démocratiques.
La police, les manifestants et le gouvernement doivent être conscients que des émeutiers détournent certaines manifestations, ce que nous ne pouvons tolérer. La police est déployée pour prévenir ou limiter les émeutes et le vandalisme, protéger l’espace public et la propriété privée. Si elle a le monopole du recours à la force, celle-ci doit être proportionnée.
Cela ne marche pas à tous les coups mais pensons en termes de solutions et non en termes de condamnations gratuites. Car nous ne connaissons pas toutes les facettes du contexte. Le respect mutuel passera par un effort fourni par toutes les parties. Nous ne devons jamais admettre que quelques individus au sein d’un corps ou que certains citoyens n’acceptent pas les usages habituels qui régissent les relations entre les personnes et perturbent intentionnellement le respect mutuel qu’elles se témoignent. Ce thème sera réinscrit à l’ordre du jour. Je m’engage à inverser le cours des choses.
Le rassemblement Black Lives Matter organisé à la suite de l’arrestation d’une dame d’origine africaine a débuté dans la sérénité à 14h15. Vers 14h40, une bande de jeunes qui poussaient des cris de Huns se sont mis à jeter des projectiles. Une vingtaine de manifestants très agressifs ont pris à partie un policier à moto. Ce groupe s’est vite élargi, comptant 200 à 300 personnes qui s’étaient bien organisées. La zone de police de Liège a sollicité rapidement des renforts fédéraux et les a reçus sans délai. Il s’est agi de deux autopompes et deux pelotons de vingt agents.
Les policiers sont restés quatre heures dans des positions inconfortables pour empêcher de nouveaux dégâts et protéger des citoyens réfugiés dans les galeries commerçantes. Le bourgmestre a lancé une communication BE-Alert pour fermer les magasins visés.
La zone de police a fait une analyse de risque se basant sur les informations disponibles, les réseaux sociaux facilitant une mobilisation rapide et des rassemblements spontanés. La police doit donc adapter sa formation, son analyse et sa gestion à ces nouvelles formes de protestation. C’est pourquoi, j’ai demandé à la police fédérale, en collaboration avec la police locale de Bruxelles-Capitale-Ixelles, d’élaborer une nouvelle approche policière.
J’ai créé un groupe de travail national, présidé par la police fédérale et par la police locale de Bruxelles-Capitale-Ixelles. J’envisage de compléter ce groupe avec les représentants de grandes zones, comme celle de Liège, qui sont également confrontées à ce type d’agressions.
Demain, je me rends à Liège pour discuter des incidents et des initiatives communes avec la police de Liège susceptibles de dessiner cette nouvelle approche. Les forces mobilisées étaient initialement composées de deux pelotons organiques et d’une arroseuse. Du personnel en civil était prévu pour recueillir des renseignements. Ce dispositif a rapidement été renforcé à la demande de la zone de police de Liège par une arroseuse et deux pelotons de la police fédérale.
Dix arrestations judiciaires ont eu lieu: quatre mineurs et six majeurs ont été déférés au parquet de Liège, deux mandats d’arrêt ont été délivrés pour vol avec effraction et un mineur a été placé en centre fermé. L’enquête se poursuit afin d’identifier d’autres auteurs des faits. Une cellule de trois inspecteurs principaux et de quinze inspecteurs est chargée d’examiner les nombreuses images disponibles. Les particuliers sont invités à communiquer leurs propres images. La cellule a rédigé vingt-quatre procès-verbaux, d’autres suivront.
Dans les rangs des forces de police, 36 agents ont été blessés dont 9 ont été soignés à l’hôpital. Un agent a dû rester en observation mais il a quitté l’hôpital entre-temps. Seize personnes sont en incapacité de travail. La plus longue période d’inactivité court jusqu’au 28 mars. La Ville de Liège se constitue partie civile. Nous comptons faire de même.