Madame la Ministre,
Dimanche dernier, le 24 janvier, environ 150 personnes étaient présentes à la manifestation organisée à Bruxelles pour dénoncer « la justice de classe ». Après plusieurs refus, les organisateurs auraient finalement obtenu l’autorisation pour un rassemblement de 45 minutes au pied du Mont des Arts. Malheureusement, ce dimanche après-midi a été à nouveau entaché par des confrontations entre les manifestants et les forces de l’ordre présentes sur place.
En outre, de nombreuses questions sont soulevées sur le comportement de la police pendant et après la manifestation. A ce jour, de nombreux témoignages rapportant des faits d’arrestations, des violences ou des comportements inadaptés se font entendre, et ils sont nombreux. Par ailleurs, plusieurs parents des mineurs arrêtés dimanche envisagent même de porter plainte contre la police, notamment suite à un violent incident qui se serait déroulé dans les cellules de la caserne d’Etterbeek. Un incident grave puisque, selon des témoignages, il s’agirait de coups et blessures.
Madame la Ministre, mes questions sont dès lors les suivantes :
– Pouvez-vous tout d’abord m’éclairer sur l’autorisation ou non de cette manifestation ? Etait-elle tolérée, autorisée pour 45 minutes ou tout simplement interdite ?
– A quel moment avez-vous été informée de la manifestation initialement autorisée par le Bourgmestre de Bruxelles, Philippe Close ? Êtes-vous intervenue ?
– Confirmez-vous que 93 mineurs ont été arrêtés lors de cette manifestation ?
– Pouvez-vous m’en dire plus quant aux raisons qui ont engendré ces nombreuses arrestations étant donné que la manifestation semblait être tolérée et qu’aucune injonction ne semble avoir été faite envers les manifestants ?
– Quelles mesures la police a-t-elle prises pendant et après la manifestation ?
– Une analyse de risque a-t-elle été rendue possible dans le timing imparti ?
– Qu’en est-il de l’intervention policière au sein des cellules de la caserne d’Etterbeek ? Quels dommages ont été commis ? De quel ordre sont-ils ?
D’avance je vous remercie pour vos réponses,
Julie Chanson
Réponse de la Ministre Verlinden du 10/02/2021
La manifestation contre la justice de classe du 24 janvier dernier n’avait pas été autorisée par le bourgmestre de Bruxelles. Il est en effet apparu, à la suite de concertations entre la police, l’autorité administrative et l’organisateur, que ce dernier ne pouvait garantir le respect des conditions relatives à la tenue de manifestations prescrites par l’arrêté ministériel.
Pour ce qui me concerne, lors de l’entretien que j’ai eu avec le bourgmestre de Bruxelles, il est clairement apparu que les conditions n’étaient pas réunies pour autoriser cette manifestation. Je n’ai pas eu de contact spécifique avec le ministre-président.
Malgré cette interdiction, des personnes ont commencé à se rassembler, à partir de 14h00, au Mont-des-Arts. Comme les contacts avec les organisateurs étaient constructifs et que les conditions étaient réunies pour que ce rassemblement se fasse dans le respect des normes prévues par l’arrêté ministériel (rassemblement de moins de 100 personnes, statique, distanciation sociale et port du masque), l’autorité administrative a permis que ce rassemblement puisse avoir lieu pendant une quarantaine de minutes, ceci afin de permettre un juste équilibre entre la liberté d’expression et la nécessité de faire respecter les mesures sanitaires dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus.
La manifestation s’est déroulée sans incident, et ce, jusqu’à sa dislocation vers 14h45. Dans les dix minutes qui ont suivi la fin de cette manifestation, d’autres groupes se sont présentés avec le souhait de former un autre rassemblement. La police a tenté de les en dissuader, mais en vain. Certains groupes se sont alors mis à courir dans tous les sens en criant qu’ils allaient tout casser. D’autres groupes refusaient, quant à eux, de donner suite aux injonctions de la police et tentaient d’esquiver les points de contrôle dissuasifs. La police a alors décidé de confiner tous les groupes vers un point central afin d’éviter que des dégradations et autres méfaits ne soient commis.
Les effectifs policiers présents pour encadrer cette manifestation étaient nombreux. En effet, malgré le fait qu’il avait été communiqué que la manifestation était interdite, les appels à se rassembler avaient été maintenus. Une analyse de risque a été réalisée en temps réel tenant compte des dernières informations obtenues.
C’est ainsi que, la veille de l’événement, des renforts policiers ont encore été demandés et obtenus. Quatre-vingt-six mineurs ont été arrêtés à Bruxelles et sept autres à Saint-Josse-ten-Noode par la zone concernée.
Ces mineurs ont été privés de liberté le temps d’enregistrer les arrestations effectuées. Les premières personnes ont été libérées à partir de 18h30. Les 86 mineurs ont été remis le plus vite possible à leurs parents. Une quinzaine de mineurs entre 15 et 17 ans dont les parents ne désiraient pas venir ont été déposés à la gare de Bruxelles-Central. D’autres, plus jeunes, ont été déposés à leur domicile en dehors de la région bruxelloise.
Comme vous, chers collègues, j’ai pris connaissance des différents témoignages faisant état de violences policières commises pendant ces privations de libertés. Plusieurs plaintes ont été déposées devant le ComitéP. Le chef de corps de la zone de police de Bruxelles-Capitale-Ixelles a immédiatement ordonné une enquête interne concernant ces faits. Les résultats de ces enquêtes permettront d’établir les sanctions et les mesures éventuelles qui devront être prises si les faits dénoncés sont avérés.
J’ai demandé à être informée du résultat de ces enquêtes. Comme je l’ai déjà affirmé, je ne tolérerai aucun abus de pouvoir de la part des forces de l’ordre. Le respect de la police ne peut s’acquérir que si cette dernière se montre exemplaire dans sa mission. De même, la relation entre les jeunes et la police ne peut pas s’améliorer si la confiance et le dialogue ne sont pas restaurés.
Des projets et initiatives sont déjà en cours pour contribuer à cette restauration. Je continuerai à travailler à cet objectif avec la police, les organisations de jeunesse et les ministres compétents des Communautés et Régions.
Concernant les faits qui se sont produits au sein du complexe cellulaire, des dégradations ont été commises sur le mobilier. Dans trois des cellules dédiées aux mineurs, les urinoirs en aluminium ont été arrachés du mur et les jeunes se les sont jetés les uns sur les autres. Vu les dangers de blessures, la police est intervenue dans lesdites cellules et en a extrait les perturbateurs. Le calme est alors revenu. Mis à part les urinoirs, on a aussi constaté des graffiti et détériorations, gravures et coups aux murs et portes des cellules. Un procès-verbal a été établi pour ces faits, ainsi qu’un reportage photographique.